Selon une étude de 2017 citée par Isabelle Rouhan, auteur du livre Les métiers du futur, « 85 % des métiers qui seront exercés en 2030 par les écoliers d’aujourd’hui n’ont pas encore été inventés »
C’est au sein des locaux de l’école en ligne OpenClassrooms Isabelle Rouhan a présenté son exercice de prospective. De quoi piquer la curiosité de celle qui a déjà exercé sept métiers différents en 20 ans de carrière. Ex-Facebook, Isabelle Rouhan dirige aujourd’hui un cabinet de recrutement. Elle le constate tous les jours, « les fiches de poste que je rédige sont quasiment toujours des créations de poste, souvent pour des métiers qui n’existent pas encore chez le client, voire pas du tout… »
D’où son intérêt hors norme pour une certaine prospective des métiers. Elle insiste, elle parle bien de « métier » et non de « poste » ou d’« emploi ». Façon pour elle de souligner qu’elle s’intéresse avant tout aux « habiletés acquise par l’expérience », et entend ainsi mettre « l’humain au centre des transformations ». En guise de grille de lecture des mutations à venir, Isabelle Rouhan propose dans son livre une « typologie des métiers du futur selon le degré d’automatisation et de transformation » qui les guette. Sont selon elle à distinguer les métiers en évolution, en révolution et en mutation éthique.
Spécialisation des métiers de l’enseignement
L’évolution caractérise les métiers de la transmission : « leur mission restera essentiellement identique » mais, numérique oblige, « les moyens évolueront fortement ». Cela concerne au premier chef les enseignants, mais aussi, par exemple, les journalistes. Sous l’impact de la digitalisation et de l’évolution des parcours d’apprentissage, les métiers de l’enseignement vont se spécialiser en trois grandes catégories : production de contenus en ligne, distribution et éditorialisation des contenus, accompagnement des élèves et des étudiants. À noter aussi que le souci croissant d’employabilité modifie également le rôle du professeur du futur, avec un recul de l’enseignant-chercheur au profit du « professionnel de la matière qu’il enseigne ou de la compétence qu’il transmet ».
De la révolution à l’innovation radicale
La révolution plane sur les métiers qui agissent sur les structures sociales, comme l’entreprise, le service public ou la ville. C’est par exemple le manager qui devient « neuro-manager », c’est-à-dire un chef d’équipe capable d’individualiser sa pratique grâce à l’apport des neurosciences. Enfin, les métiers en mutation éthique sont ceux soumis à « l’innovation radicale ». Sorte de gardiens du temple, ils sont là pour « donner du sens et réguler l’écosystème futur ». Avec eux, la technologie est au service de la santé et de la protection, comme de l’éducation de l’intelligence artificielle et de son éthique. C’est dans cette catégorie que l’on va trouver un métier qui, indéniablement, est encore peu exercé : éducateur de robot. La docilité du sujet ne doit pas masquer la complexité de la tâche, qui convoque mathématiques, informatique et sens éthique.
De toute évidence, ces mutations ne sont pas sans conséquences sur le système de formation. Pour Henri Metzger, directeur des partenariats chez OpenClassrooms, la formation initiale devrait désormais se dérouler en alternance et la formation continue s’envisager sous l’angle de la notion de parcours. Il en est convaincu, « se former tout au long de la vie suppose d’avoir l’humilité de devenir un apprenant agile, disposé à se mettre en état d’apprentissage permanent ».
Référence de l’ouvrage : Les métiers du futur, Isabelle Rouhan, en collaboration avec Clara-Doïna Schmelck, F1rst Éditions, 269 p., 2019.
Nicolas Deguerry (Centre inffo pour Défi métiers)